23 juillet 2005

Histoires belges sur la route du Tour

Article paru dans Midi Libre, le 22 juillet.


Comme tous les jours depuis deux semaines et demie, Marc le Bruxellois a noué son drapeau noir jaune et rouge sur un manche à balai, qu'il a hissé sur le toit de son camping-car. Aujourd'hui, il s'est garé sur le bord de la route du Tour de France avec sa famille, à l'orée d'une forêt, près de La Lavagne, entre Chanac et Le Massegros.
"C'est le 21 juillet aujourd'hui ! Le royaume de Belgique fête ses 175 ans et on attend la victoire d'Axel Merckx à Mende !", raconte Marc. Une seconde famille d'outre-Quiévrain a préféré investir l'autre côté de la départementale, à l'intérieur d'un virage. Joost, originaire d'Anvers, en Flandres, souhaite également la victoire d'un Belge sur l'aérodrome de Mende. Mais de ce côté-ci de la route, on n'aime pas tellement le Wallon Axel Merckx. On lui préfère le Flamand Tom Boonen. Cette petite route de Lozère suffit ainsi à illustrer la division profonde du peuple belge : Wallons d'un côté, Flamands de l'autre.
"Je mets un drapeau belge sur mon toit, raconte Joost, mais j'ai aussi un étendard flamand", un lion noir sur fond jaune, bien connu des amateurs du Tour de France. Il flotte d'ailleurs "toujours au-dessus" du drapeau belge sur le mât de la famille d'Anvers.

Entre Chanac et Barjac, quelques cyclistes ont déposé leurs vélos dans l'herbe et se sont attroupés autour de la petite camionnette du Belge Pieter. Celui-ci est un habitué du Tour, qu'il suit "dans les deux sens du terme" depuis six ans sans interruption.
Après avoir regardé les coureurs passer sous leurs yeux, il s'est réfugié dans sa camionnette. Celle-ci a été aménagée en véritable station de radio-télévision avec multiples écrans, chronomètres, CB et carnet de route officiel du Tour. Quelques cyclistes de passage se sont ainsi joints à lui pour suivre la fin de l'étape, glissant leur têtes à l'intérieur du véhicule.
"Merckx est bien placé dans l'échappée", commente le Flamand Karsten qui vient d'enlever son casque. "Toute la Belgique doit être derrière lui !", ajoute-t-il dans un français hésitant. Pieter, originaire d'Ixelles, et un autre cycliste wallon sont d'accord. "Il faut se soutenir entre Belges aujourd'hui ! 175 ans, c'est historique !", s'exclame Pieter en regardant à la télévision Axel Merckx s'attaquer à la terrible montée de la Croix-Neuve.
Tous trois retiennent leur souffle. Mais Merckx finit troisième. Déçus, les trois Belges fêteront quand même leur Fête nationale. Autour d'une petite bière fraîche.