19 avril 2005

Extrait


Elle marchait pieds nus sur les dalles, qui retenaient pendant quelques secondes l'haleine de ses foulées, la tiédeur vagabonde de ses pieds, de même que le verre capte et retient la vapeur d'un souffle ; puis les traces s'amincissaient, à mesure qu'elles perdaient la chaleur de l'empreinte, et se laissaient dévorer jusqu'à ce que leurs contours se fussent dissipés. Suivre les traces de ses pas, assister à leur évanouissement progressif, tandis qu'elle s'éloignait, avait quelque chose d'hypnotique, donnait l'impression déroutante que l'on a quand on suit une piste que l'on croit réelle et qui, en définitive, se révèle être un mirage.

"La tempête", Juan Manuel de Prada, p.100

18 avril 2005

Douze balles à fleur de peau


Pour son anniversaire offrez-lui un réveil. Pierre Souchon ne peut se réveiller tout seul. Un trouble narcoleptique qui ferait de lui un parfait témoin pour une émission de Jean-Luc Delarue. C’est maintenant une habitude pour moi tous les matins : réveiller Pierrot en lui passant un coup de fil.

SMS reçu le 30/02/05 à 02:08 : « Si tu peux mapelé juska ce ke je réponde… merci gaillard ».

L’ESJ recherche des « profils atypiques » lors du concours d’entrée. J’aime à penser que j’en suis un mais si l’on devait effectuer un classement de ces « profils atypiques », Pierrot survolerait la compétition. Mulder et Scully eux-mêmes n’arriveraient pas à étudier, cerner, comprendre cet extra-terrestre. Alors les jurés… Même si à l’Ecole, on le connaît depuis longtemps le Pierrot. Son DEUG de Lettres obtenu par correspondance en poche et des images d’Europe de l’Est plein les yeux, il affronte les concours pour la première fois en 2003. Il réussit brillamment les écrits. Reste à se défendre aux oraux. Il s’assied sur sa chaise, faisant face aux trois jurés. Puis il se lève d’un coup et annonce qu’il n’est pas prêt, qu’il ne faut pas le prendre, qu’il n’est pas fait pour ça. Il quitte la pièce. Pierrot s’est « vendangé » comme on dirait chez lui en Ardèche. Mais il est de retour à Lille en 2004. Il réussit brillamment les écrits. Reste à se défendre aux oraux. Il s’assied sur sa chaise, faisant face aux trois jurés. « On se rappelle de toi ! », lui disent-ils. Cette fois c’est la bonne, Pierre Souchon se sent prêt et intègre la 80ème promotion…

Il quitte donc son Ardèche natale et débarque à la gare Lille-Europe. Je l’imagine avec son grand sac de rando, son pull Adidas bleu ciel, ses Nike de marathonien aux pieds. Levant les yeux vers la tour du Crédit Lyonnais, il a du se dire « Putain c’est le Grand Nord ! Il fait gris, c’est moche, et c’est parti pour deux ans ! », passant une main dans ses cheveux en bataille avant de se rouler une cigarette.

Cherchez le mot “passionné” dans un dictionnaire et vous trouverez sans doute une photo de Pierrot. Pierrot s’attache aux lieux mais surtout aux gens. Son grand plaisir, s’asseoir au fond d’un vieux rade avec une Jupi et écouter les piliers de comptoirs se raconter leurs vies. Les débats passionnés ça le connaît. Mettez-vous en travers de son chemin et il vous menacera de “douze balles dans la peau”. Si vous allez très loin, il vous proposera même un “peloton d’exécution” en fronçant les sourcils.

Aujourd’hui c’est le lundi de la rentrée à l’Ecole... et Pierrot n’est pas là. Pour son anniversaire, offrez-lui un réveil.

14 avril 2005

L'aviez-vous remarqué ?



Dans les publicités pour montres ou dans les vitrines d'horloger, il est toujours 10h10 ou 22h10. C'est comme ça...

08 avril 2005

Coupe des coupes



Les footballeurs des années 80 m’ont toujours impressionné pour leurs coupes de cheveux. A l’époque je collectionnais les albums Panini et… j’avais la nuque longue. J’avais l’album 88 en double avec en exclusivité David Ginola et Laurent Paganelli...

L’Anglais Freddi Cris s’est penché sur le sujet et a publié Footballer’s haircuts, véritable succès en librairie outre-Manche. On y retrouve les gloires du passé…et leurs coiffures dépassées.

07 avril 2005

Diplôme d’aptitude à la vie moderne


Il ne reste que 13 000 Bantous de Somalie. En 1999, ils ont été torturés, déplacés, massacrés. Depuis, ils vivent dans un camp, un unique camp, au Kenya. Ils y attendent leur départ pour les Etats-Unis, qui ont promis de les accueillir sur leur territoire sur pression de l’ONU. Depuis septembre 2003, le Département d’Etat les prend en charge et les envoie au rythme de 200 par mois vivre au pays de la liberté. Seule condition, obtenir leur « diplôme d’aptitude à la vie moderne »…

Tout un peuple doit abandonner ses racines et s’immerger dans une autre culture, totalement étrangère. Au coeur des plaines désertiques du nord du Kenya, dans une salle de classe transformée en appartement occidental, les Bantous sont formés à l’American way of life. Là, ils apprennent à appuyer sur un interrupteur, à serrer fermement une main tendue, à saluer d'un rapide "hello" et à renoncer à la polygamie et au mariage forcé. Une semaine, seulement, doit leur permettre d'effacer un mode de vie ancestral et d’obtenir leur diplôme-sésame. Puis vient le grand départ, le choc, le déchirement.

Pour Hassan, on a choisi Utah. Il débarque à Salt Lake City et confie : « Quand j’étais à Kakuma, la nuit, je rêvais d’Amérique. Maintenant que j’y suis, avec toutes ces choses autour de moi, quand je ferme les yeux, je pense à Kakuma, à ce que j’ai laissé derrière moi ».

(« Un charter pour les étoiles », documentaire de Philippe Levasseur. Diffusé le 4 avril sur France 5)

06 avril 2005

Pellicule sensible


« Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’étiez pas assez près », disait Robert Capa.

James Nachtwey, lui, est toujours près. Très près. Pendant vingt ans le photographe américain a sillonné la planète afin d’en capturer les plaies. Dans son viseur, Nachtwey a vu le pire. Guerres, famines, tortures, misères.

Eternel solitaire, Nachtwey est propre, méticuleux, calme en toutes circonstances. Tempes grisonnantes, regard froid, son apparence est à des années-lumière d’un Patrick Chauvel passionné, sanguin, impulsif. L’Américain n’a pas le côté baroudeur-gilet-à-poche-rangers-pelloche-dans-la-chaussette que l’on connaît de beaucoup ses pairs et peu lui importent récompenses ou blessures de guerre. Nachtwey est un humaniste et croit au pouvoir de ses clichés. Celui de changer notre vision du monde et de « détruire notre indifférence ».

Je vous invite à découvrir ses portfolios.
A lire également, cet article de Sorj Chalandon dans Libération.